Partager la publication "Interview de Jean Ragnotti : pilote, 72 ans et toujours passionné par Renault"
Lors du Rallye Monte-Carlo Historique, Renault m’a offert le privilège d’interviewer Jean Ragnotti. Enfant, adolescent et maintenant adulte (non non je ne parle pas de Ragnotti), je regarde encore ses vidéos embarquées, passages remarquables lors de rallye ou de ses démonstrations à bord de la R5 Maxi et je pense ne pas être le seul. J’ai donc voulu le partager avec vous, lecteurs, en vous interrogeant sur nos réseaux sociaux, auprès de ma famille, mes amis ou encore de mes collègues. J’ai pris un immense plaisir à échanger avec ce grand homme qui continue de nous faire rêver avec son pilotage, sa gentillesse et sa simplicité. J’espère que vous trouverez les réponses à vos questions et vous souhaite une bonne lecture. A consommer et partager sans modération !
Arnaud, Team DESIGNMOTEUR : D’où vous vient cette passion pour l’automobile ?
J.R. : J’ai toujours eu la passion de l’automobile. Quand j’étais jeune, mes parents étaient des agriculteurs qui n’avaient pas de moyens financiers pour m’envisager une carrière de pilote.
A cette époque-là, c’était plutôt bicyclette, mobylette et tracteur. J’étais assez doué, on va dire que j’ai la grosse tête (rires), pour les trucs d’équilibre. J’étais déjà passionné, mais je ne suivais pas les courses quand j’avais entre 6 et 10 ans.
Peu après, j’ai commencé à m’intéresser à l’automobile et à la compétition automobile. Mais je me disais que je n’aurai jamais les moyens pour le faire. Lorsque j’ai eu 18ans, j’ai passé mon permis voiture puis poids-lourd et je suis entré dans l’entreprise de transports routiers de mon beau-frère. C’est lorsque je suis parti sur les routes que j’ai commencé à économiser, économiser, économiser pendant presque 4 ans pour enfin pouvoir acheter une Renault 8 Gordini. Et tous les copains me disaient « il faut que tu fasses de la course ! ».
Alors je me suis engagé et ça a marché immédiatement. Je n’ai fait aucune école de pilotage. Mais tout de suite les résultats sont arrivés, ce qui a fait qu’en peu de temps je suis arrivé à passer pilote professionnel. J’ai commencé en 1967 et je suis passé pilote professionnel en 1971.
DM : A l’aide de sponsors ?
J.R. : En tant que pilote amateur, je n’avais pas de sponsors. Puis en passant pilote professionnel, je n’ai plus eu à me soucier de chercher des sponsors. Au début, cela a été un peu dur. On dormait dans la voiture pendant les reconnaissances, on mangeait des sandwichs, on faisait attention à nos dépenses, et même à l’achat des pneumatiques. Je savais que j’en abîmais beaucoup pendant les courses. J’essayais donc de gagner car en gagnant des courses ça me permettait d’acheter 4 pneus neufs pour la course suivante. Et je m’en suis sorti comme ça !
Je reconnais que j’ai eu peut-être un peu de chance parce que les pilotes professionnels qui vivent de la compétition automobile ne sont pas nombreux. Quelques petits noms, un peu de réussite, et voilà !
DM : Quel effet cela vous fait-il d’être l’idole de tant de personnes, toutes générations confondues, à travers le Monde et plus particulièrement en France ? Que ce soit les anciens ou les jeunes ?
J.R. : Alors bien sûr je suis très flatté et très honoré. Je suis très content d’avoir toutes ces générations qui viennent me demander des autographes, des photos, des poignées de main. Et ça me fait vraiment très très plaisir.
Que ce soit en France mais aussi au Japon et dans d’autres pays frontaliers de la France, les fans sont nombreux à se déplacer et faire des milliers de kilomètres pour me voir alors que je ne cours plus officiellement en championnat.
Je fais surtout des démonstrations avec les véhicules de Renault Classic qui sont assez souvent la Renault 5 Maxi et puis tous les véhicules que Renault a en stock. J’ai même à disposition le Renault Espace F1, les voitures de record des années 20/30, l’Etoile Filante, etc… J’ai des tas de voitures à ma disposition et lorsqu’il y a des évènements, comme Goodwood en Angleterre par exemple, il m’arrive de conduire des F1, le proto des 24h du Mans, un peu de tout quoi. En tant que pilote, je suis content de pouvoir m’amuser de cette façon.
DM : Quelle voiture vous a laissé le plus grand souvenir en course et pourquoi ?
J.R. : Alors j’ai du mal à ne choisir qu’une voiture parce qu’il y en a au moins deux ou trois. La Renaut 8 Gordini a été la voiture école formidable. D’ailleurs, elle a formé énormément de pilotes qui sont devenus professionnels par la suite, comme Jean-Luc Thérier, Jean Pierre Nicolas et bien d’autres. Donc cette voiture a été une excellente voiture pour mon début de carrière.
Après j’ai connu un peu la Berlinette mais je n’ai pas fait partie de l’équipe officielle, en tout cas, pas à temps complet. Et après ça il y a eu certaines périodes avec l’extraordinaire R5 Turbo : moteur central, propulsion avec de belles glisses. Et puis les dernières années où je courrai encore en compétition, il y a eu la période des Clio Groupe A. C’était une traction mais avec le frein à main, on arrivait à faire un spectacle d’enfer et le public s’en rappelle encore aujourd’hui !
DM : Et oui ! Et puis on voit encore beaucoup de vidéos justement sur Internet, ça a marqué les esprits. Du coup, racontez-nous un peu l’ambiance qu’il y avait à l’époque, les spectateurs sur le bord des routes, tous les risques, etc…
J.R. : A l’époque, le public était souvent mal placé et la sécurité n’était pas la même qu’aujourd’hui. Il n’y a pas eu beaucoup d’accidents mais certaines fois, ça ne passait pas loin. La foule ressemblait un peu à celle du Tour de France (vélo). De temps en temps on passait vraiment très près des gens. Ce qui était un peu choquant, c’est que pendant nos reconnaissances, on avait des points de repères, que ce soit des panneaux indicateurs ou des bornes. Mais tout ceci disparaissait complètement à cause du public. Cette foule de gens ressemblait un peu à la corrida pour moi, surtout dans les pays style Portugal, Espagne et Italie. Les spectateurs étaient très chauds, plus chauds qu’en France encore.
C’était une période où on peut dire qu’on s’en est bien sorti, il n’y a pas eu d’incident. Donc on est content. Mais il y avait surtout une ambiance extraordinaire avec les autres teams. On avait du temps pour les reconnaissances. Très souvent, on déjeunait ou on dînait le soir avec les équipes des marques concurrentes, l’ambiance entre pilotes était formidable.
DM : Le rallye de Monte Carlo a-t-il changé en bien pour vous ?
J.R. : A un moment donné, ça allait de moins en moins bien parce que la règlementation de la FIA devenait trop restrictive et beaucoup trop compliquée. Heureusement l’Automobile Club de Monaco a pu taper un petit peu du poing sur la table et dire « nous on ne veut pas faire des rallyes en boucle, en trèfle ou autre, et on veut remonter dans les Alpes du côté de Gap, ou dans l’Ardèche du côté de Valence » et la FIA a dit ok.
Le rallye de Monte Carlo étant pour moi le plus grand rallye du monde et le plus difficile, à cause des choix des pneumatiques et des conditions météo très changeantes. La FIA a accepté et le rallye de Monte Carlo est redevenu le Monte Carlo parce que la FIA a réduit énormément les kilométrages de spéciales en rallye avec les voitures actuelles. Il n’y a pratiquement plus d’épreuves de spéciale de nuit ou du moins, il n’y en a plus beaucoup. Cela reste très dommageable pour l’histoire du rallye, alors que beaucoup d’autres rallyes ont été obligés de passer du côté de la FIA. Le Monte Carlo est arrivé à légèrement dévier les obligations de la FIA.
DM : Du coup avant vous aviez énormément de temps pour les reconnaissances, maintenant les pilotes en ont très peu, voir plus du tout si on peut dire…
J.R. : Alors ça c’est un problème qui fait qu’on voit pas mal de sorties de route parce que les reconnaissances ayant été très très réduites, les pilotes n’ont pas toujours de bonnes notes et se font piéger sur certains virages un peu compliqués. On voit des sorties qui normalement s’ils étaient passés deux ou trois fois de plus ne les aurait pas amenés hors de la route.
Donc ça ce n’est pas bien non plus. Ça fait partie des trucs que je n’ai pas bien aimé parce que pour moi l’ambiance du rallye c’est le contact avec les riverains, pendant les reconnaissances et c’est le contact avec les autres pilotes. Quand on faisait des rallyes, on s’arrêtait souvent quand on voyait des chasseurs l’hiver. On s’arrêtait pour discuter et on buvait un petit verre avec eux. Cela fait partie de mes regrets.
DM : Pourquoi cette fidélité avec Renault Sport et Alpine pendant toutes ces années ?
J.R. : Quand j’ai commencé le sport automobile, pour moi ils avaient la Renault 8 Gordini et la grande marque des rallyes, c’était Renault. Renault était présent au plus haut niveau dans les rallyes. Après il y a eu des changements qui ont fait que la Formule 1 a pris de l’importance mais aussi les 24H du Mans auquel j’ai participé avec Guy Fréquelin. Aujourd’hui, le rallye est toujours présent mais pas autant qu’à l’époque.
Et pour moi la marque Renault, c’était la marque dans laquelle tout jeune pilote souhaitait un jour de courir et j’ai eu cette chance-là. Après j’ai eu quelques propositions pour aller ailleurs.
DM : Toujours fidèle à Renault alors ?
J.R. : Chez Renault j’y suis bien donc j’y reste !
Je suis toujours très satisfait et en plus comme je disais un petit peu au début de l’interview, Renault me donne très souvent l’occasion de conduire des anciennes voitures, que ce soit les voitures du Mans, les Formule 1, les voitures un peu spéciales, des records et autres. Sans parler de la Maxi 5 Turbo avec laquelle j’ai fait énormément de choses ces 15 dernières années.
Je suis très satisfait. Et vous savez, j’ai eu 72 ans donc Renault restera ma marque à vie.
DM : Quel souvenir gardez-vous de la période de production des Opel Commodore GSE, BMW 30 CSI et Triumph Dolomite Sprint ?
J.R. : Alors ça a été une période où moi j’étais déjà avec Renault. Nous on roulait un petit peu avec les Renault 5 Turbo Super Tourisme ou Super Production, ça dépendait. Et il y avait effectivement d’autres voitures, plus puissantes et bien plus lourdes, ou plus petites et un peu plus maniables mais nous on avait une voiture intermédiaire qui était à l’aise sur tous les terrains. Ces championnats ; comme le Super Production, ont été très sympas et j’ai pu gagner en 1988 avec la Renault 21 Turbo. C’était la première quatre roues motrices que Renault faisait pour le circuit. On a gagné ce championnat avec une voiture qui était assez extraordinaire et qui a été faite en très peu de temps.
C’était un championnat pour Renault qui tombait très bien parce qu’on était dans une période entre la Renault 11 Turbo, qui finissait sa carrière, et l’arrivée des Clio Groupe A avec un petit intermédiaire sur la 5 GT Turbo Groupe 1. La décision de faire cette 21 Turbo a été rapide. On avait de bons ingénieurs, ce qui a permis de faire une voiture performante puisqu’on a gagné en très peu de mois. Je me suis régalé pendant 2 ans à piloter en circuit parce que j’avais un petit avantage sur d’autres pilotes de rallye car j’ai couru de 1973 à 1975 sur circuit, en monoplace ou en prototype. Tout ceci m’a quand même pas mal aidé, je pense, au niveau des courses de circuits.
DM : Qu’est-ce que ça vous fait de retrouver ces odeurs, de toucher les commandes à bord des voitures ? Êtes-vous nostalgique de ces années fabuleuses ?
J.R. : C’est sûr que les voitures ont tellement évolué et de manière très rapide. Lorsque je reprends mes anciennes voitures, d’il y a 30 ou 40 ans, effectivement on trouve quelques défauts comme la direction, le freinage ou la motricité. Mais à cette époque-là, tout le monde avait les mêmes voitures et les mêmes défauts. Donc maintenant, au bout de 10kilomètres, on se réhabitue à ces comportements, on oublie totalement et on se met à réattaquer comme à l’époque, ce qui est assez amusant.
DM : On a tendance à vous parler de rallye mais quels sont justement vos meilleurs souvenirs sur circuit ?
J.R. : Il y a eu la première année de Formule 3, parce que c’était ma première année de circuit, où j’y ai gagné une course. J’y ai également fait quelques bonnes places, que ce soit sur podium ou non, et ça a été un grand plaisir de démarrer sur circuit avec ce championnat-là.
Après il y a eu la Formule Renault Europe en 1975 puis le Sport Proto 2 litres, où j’avais terminé derrière les trois Alpine au championnat.
Mais en 1975, au championnat de Formule Renault Europe, je termine deuxième derrière René Arnoux et devant Didier Pironi. Ça a quand même été une fierté parce que René Arnoux et Didier Pironi ont accédé à la Formule 1. A cette époque, François Guiter de ELF m’avait proposé d’aller vers la Formule 1. Je lui ai fait une réponse qui l’a totalement déstabilisé car je lui ai dit : « Oh non je trouve les rallyes beaucoup plus sympas donc je ne vais pas faire de Formule 1 ». Il m’a dit « Jamais quand j’ai proposé d’aller vers la Formule 1, il n’y a aucun pilote qui m’a dit « oh non je préfère les rallyes ». Alors ça l’a fait à la fois rire et puis il s’est dit « Bon Ragnotti c’est un cas à part donc on ne va pas chercher à le pousser ».
Et donc j’ai continué ma carrière en rallye sans aucun regret. Mais il est vrai que ces trois années de circuit m’ont beaucoup plu.
DM : Qu’avez-vous à nous dire sur la perte de votre coéquipier Jean-Louis Lafosse, au Mans en 1981 ?
J.R. : Cela a été terrible. Pour moi, ça a été grave et très important pour plusieurs raisons. C’était mon équipier pour les 24H du Mans et on se connaissait depuis très longtemps. Les 24H du Mans, on sait que c’est une course qui est et qui restera toujours dangereuse. Il arrive qu’on voit un pilote disparaitre lors de cette course mythique, ce n’est pas totalement surprenant.
Là c’était quand même mon coéquipier donc ça a fait un gros choc.
J’ai été très attristé parce qu’on avait couru en tant qu’adversaire mais là pour les 24H du Mans, nous étions ensemble dans la même voiture et ça n’a pas été évident.
Mais bon comme je disais, cela arrive qu’il y ait des accidents plus ou moins graves au Mans.
DM : Est-ce qu’il y a un lien entre cet évènement et le fait que vous n’ayez pas pris le départ de la classique manuelle après l’édition de 1982 malgré l’engagement de nombreuses Rondeau en 1983, 1984 et 1985 ?
J.R. : Non car j’avais mon programme avec Renault qui tombait un petit peu à cheval avec les 24H du Mans. Pourtant, le jour où j’ai arrêté, en 1982, j’ai établi un record du tour, je crois. Par la suite, j’ai eu une pole position en 1984 avec Pescarolo. Mais en 1983, je n’ai pas pu faire les 24H du Mans. Et puis après je dirai que j’avais sans doute un peu peur et je n’étais plus trop passionné par les 24H du Mans. Pas que la course me déplaît puisqu’aujourd’hui je regarde encore la course des 24H du Mans, mais je suis passé à autre chose. Cela reste tout de même un bel épisode de ma vie. J’ai fait 7 fois les 24H du Mans, avec de très bons souvenirs. Je me rappelle avoir perdu le capot avant dans la ligne droite des Hunaudières et quelques évènements un petit peu casse gueule mais ça fait partie de l’histoire des 24H du Mans, de mon histoire. Aujourd’hui je suis là donc tout va bien !
DM : Oui donc vous gardez de bons souvenirs.
J.R. : Des très beaux souvenirs et les 24H du Mans restent pour moi une des plus belles courses au monde. Je ne regrette pas, je l’ai fait et maintenant je regarde, j’admire les pilotes. Je suis cet événement de près mais je ne regrette pas trop d’avoir arrêté.
DM : On parlait de F1, quel souvenir gardez-vous de l’essai de l’Espace F1 ?
J.R. : Le Renault Espace F1, c’était la puissance de la voiture d’Alain Prost quand il était champion du monde en 1993. D’ailleurs j’ai essayé sa voiture sur le circuit du Castelet la même année. C’était une voiture fantastique, aussi bien en voiture de Formule 1 qu’en tant que Renault Espace. L’Espace avait un seul petit défaut, elle avait le centre de gravité plus haut. Dans les virages lents, elle avait tendance à se mettre sur deux roues donc il fallait être un peu plus vigilant. Mais la puissance, le freinage et la boîte de vitesses, c’était vraiment la Formule 1 et le bruit dans l’habitacle était fabuleux. Lorsqu’on roulait avec les vitres fermées, le moteur était derrière le siège donc il n’y avait pas de protection de moteur, le bruit du moteur on l’avait directement dans les oreilles.
DM : Quelle est la voiture moderne qui se rapproche le plus des anciennes en terme de conduite, sensation et comportement ?
Est-elle votre moderne préférée ?
J.R. : La réponse va être assez facile parce que c’est la dernière Alpine. On a demandé aux ingénieurs de faire une voiture qui ne soit pas une voiture soudée au bitume mais qui soit amusante à piloter, qui bouge, qui glisse, qu’il y ait un peu de contre braquage, qu’il y ait de l’amusement au volant. Et ils ont respecté les règles de notre demande.
Les essais presse qui ont eu lieu sont tous concluants d’après les avis des journalistes. Donc je pense que la nouvelle Alpine devrait avoir un succès commercial et d’amour auprès du public, des connaisseurs et des fanas d’Alpine.
DM : Renouveau de la marque Alpine avec la sortie de la nouvelle A110, qu’en pensez-vous ? Avez-vous eu l’occasion de rouler à bord ? Retrouvez-vous les mêmes sensations de conduite que l’ancienne ? Idem d’un point de vue du design ?
J.R. : Le design a été très réussi parce que la voiture se rapproche énormément de l’ancienne, quand on la regarde de face c’est très proche. L’arrière est un petit peu différent. Mais sinon quand on est dans l’habitacle, on est vraiment dans une voiture moderne, avec un comportement type de la Berlinette des années 75, avec plus de sécurité parce qu’il y a tous les éléments de sécurité en plus.
Je n’ai pas pu la conduire parce que c’est le travail des pilotes essayeurs. Moi, étant plus axé sur Renault que sur Alpine, j’ai préféré laisser faire ces essais aux spécialistes. Mais à avoir écouté tout ce que les ingénieurs ont fait, dans les moindres détails, j’ai l’impression que c’est moi qui l’ai essayé.
DM : Regrettez-vous les choix de Renault Sport quant à l’abandon de la commercialisation de la Clio RS16 pourtant tellement demandée de la part des fans ?
J.R. : Politiquement pour la maison, je ne connais pas la raison de cet abandon. C’est vraiment une voiture d’enfer et elle marchait très fort. Ça aurait été surement extraordinaire. Mais je pense, enfin j’imagine (je ne me mets pas à la place de la direction, qu’il y avait peut-être le fait que le démarrage de l’Alpine se déroulait en même temps, il y avait donc beaucoup de choses à faire en même temps.
Cela pouvait faire plusieurs lancements de véhicules qui pouvaient se contredire, ou enlever à l’un les possibilités de l’autre. Il y avait un choix à faire et je crois que ça a été plutôt le choix de l’Alpine. Mais je pense que Renault et tous les constructeurs ont plusieurs modèles comme ça qui n’ont pas vu le jour, ou qui ont vu le jour mais qui se sont arrêtés au stade du prototype. Parce que dans les grandes boîtes il y a des choix à faire, aussi bien politique que commercial.
Mais en tout cas je l’ai conduite quelques fois, à Goodwood et à Monaco, c’était un jouet très intéressant. Ça poussait très fort ! Malheureusement pour les puristes qui pourraient être choqués, les coûts pour la production de cette voiture ont dû être rétréci parce que pour fabriquer une voiture comme ça il fallait relancer une ligne complète, d’où l’abandon du projet je pense.
DM : Avez-vous eu le plaisir de rouler à bord de la nouvelle Mégane RS ? Si oui, qu’en avez-vous pensé ?
J.R. : Je l’ai conduite un peu en ouverture au Rallye de Monte Carlo et on sent qu’il y a encore des progrès apportés par rapport à la précédente. Alors elle n’est pas encore améliorée au point d’établir des records mais on peut espérer ou estimer qu’elle va y aller dès qu’elle va être commercialisée, ce qui ne va pas tarder. Ils essaieront sûrement de battre des records, comme toujours, quand il y a des nouvelles voitures sportives.
Mais la voiture est très stable, elle a quatre roues directrices et j’ai toujours adoré ce concept. J’avais connu la Laguna avec le système 4Control et je trouvais ça extraordinaire. Ça lui donnait une facilité de conduite pour enrouler les virages et un gain de sécurité en plus.
DM : Que pensez-vous de la Renault Symbioz et de la conduite autonome en général ?
J.R. : Si je n’avais pas 72 ans, peut être que je dirai que c’est super. Mais je garde mon côté vieux soldat, en disant que c’est intéressant mais j’espère qu’on gardera les voitures avec lesquelles on pourra piloter au frein à main.
Sinon les ingénieurs sont tellement forts que les progrès vont à une vitesse incroyable. Ce sera surement un progrès en sécurité et, dans 20 ou 30 ans, il y en aura énormément.
DM : Quelle est votre voiture de tous les jours ?
J.R. : L’année dernière, on m’a proposé une Mégane ou un Captur et j’ai opté pour le Captur. J’en ai même redemandé un pour cette année. Je trouve que son gabarit et son comportement sont adaptés à mon usage. Maintenant, sur les routes, on n’est pas obligé de rouler très vite sinon on n’a plus de permis très rapidement. Donc là je me régale et je suis très satisfait de mon choix parce que je trouve que ce véhicule est assez beau. Il m’a plus dès qu’il est sorti et donc je l’utilise dans toutes les situations. Je dois avouer que je fais pas mal de kilomètres à son bord.
DM : Qu’avez-vous comme voiture personnelle ?
J.R. : Alors une Clio, pas la RS, mais c’est une voiture que je partage avec ma femme. Le Captur est la voiture avec laquelle je roule à 98% du temps.
DM : Vous n’avez pas gardé d’anciennes ?
J.R. : J’ai eu quelques anciennes comme la Clio Ragnotti, la Clio Williams ou la Renault 5 Turbo avec laquelle j’avais participé au Rallye de Côte d’Ivoire. Mais j’ai tellement peu de temps, car je suis souvent parti rouler, que je trouve très dommage de les garder. Finalement je m’en suis séparé les unes après les autres. L’année dernière j’ai vendu la Renault 5 Turbo du Rallye de Côte d’Ivoire. Mais je suis un peu rassuré qu’elle soit dans de bonnes mains.
DM : Et dernière question, question d’actualité : que pensez-vous de la limitation de vitesse à 80km/h ?
J.R. : Je pense que les gens de la sécurité routière ne se forment pas suffisamment auprès des pilotes professionnels et des anciens pilotes professionnels. Ils font ça entre eux et bien sûr automatiquement il y a des loupés et ils feraient mieux d’écouter les anciens pilotes.
Par exemple si on ne parle que des motos, le changement des panneaux va coûter plusieurs dizaines de millions. Beaucoup de motards se tuent dans les courbes où il y a des rails mais pas où il y a des doubles rails. Donc ils tapent dans le piquet qui tient le rail et ils se tuent 7 fois sur 10. L’ajout du double rail, sur tout le territoire, sauverait probablement beaucoup de vies au lieu de mettre des panneaux 80.
Ça fait 2 ans qu’il y a des essais sur les routes à 80 et le gouvernement ne veut pas donner d’infos pour savoir si ça améliore la sécurité ou non. Alors s’il ne les donne pas c’est que ça ne doit pas être bon.
Il est donc dommage qu’ils fassent ça entre non spécialistes de la conduite. Au niveau de la sécurité, il y a tellement de choses à faire sur les routes pour l’améliorer… C’est regrettable !
Arnaud, Team DESIGNMOTEUR : Merci Jean d’avoir répondu à toutes mes questions.
Partager la publication "Interview de Jean Ragnotti : pilote, 72 ans et toujours passionné par Renault"
16/02/2018 at 12:57
Super interview ! Merci ?
Une petite coquille relevée à propos de Mégane IV R.S. : 4 roues directrices et non motrices ?