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Quelques jours d’entraînement avec Baptiste Felgerolles, pilote moto ! (2/2)


Après le roulage à Lohéac raconté dans la note précédente, Baptiste avait hâte de retrouver la machine avec laquelle il court sur circuit, une Yamaha R6. Il ne tarda pas à chercher où et quand il pouvait rouler en essais.

C’était quelques jours seulement après sa première séance de l’année avec la Honda 450 cm3 (cf http://circuitmortel.com/?p=4159 ).

Le mercredi 11 mars, mon téléphone portable sonne en fin de matinée.

Thierry, c’est Baptiste. Je viens de te croiser et je te cherche.

Je ne suis pas loin de chez toi Baptiste. Je suis allé voir si un livre était arrivé dans une librairie à 150 mètres. Nous pouvons aller boire un café si tu veux.

Deux minutes plus tard, nous nous retrouvons à la table d’un café voisin.

J’ai réservé pour rouler au Mans (circuit Bugatti) vendredi. Ça te dit de venir avec moi ? Il y aura aussi Samuel et un ami rennais que tu as déjà vu et qui connaît bien le monde de la moto. Seul souci, il va falloir que nous partions très tôt le matin parce que le briefing des pilotes est à 8 heures 30.

Oui, avec plaisir. Ambiance circuit et photos au programme, ça me va très bien.

Baptiste-Felgerolles - 11-07-2020 - Photo- Thierry-Le-Bras

Baptiste-Felgerolles – 11-07-2020 – Photo- Thierry-Le-Bras

Comme tous les amateurs de sports mécaniques de l’Ouest, je connais le circuit du Mans. Mon enfance a été bercée par le mythe des 24 heures auto. Je me rappelle encore mon père écoutant les reportages de Tommy Franklin à la radio – avant même que j’entre à l’école primaire. Les noms de Rodriguez, Hill, Colonel Simone, Hawthorn, Moss, Fangio, Gendebien, Shelby… Les pilotes seraient les héros de mon enfance et de mon adolescence. Les grands duels Ford – Ferrari, Porsche – Ferrari, Matra – Ferrari me fascineraient. Plus tard, j’assisterais à de nombreuses éditions de la classique mancelle sur le grand circuit. Et aussi à des épreuves sur le Bugatti, notamment les 2 Heures du Mans (en Supertourisme). Je n’avais pas encore vu du bord de la piste des motos tourner au Mans. C’était prévu en 2019 où nous avions décidé avec Gérard, un ami fidèle supporter de Baptiste, de nous rendre à la manche mancelle de la course Promosport. Mais Baptiste s’étant trouvé contraint d’abréger sa saison, nous avions renoncé au projet. Une lacune bientôt comblée. Je vais voir Baptiste et d’autres pilotes en action sur le circuit qu’empruntent les 24 Heures du Mans moto et le Grand-Prix de France Moto-GP.

Trajectoire avec Baptiste Felgerolles pour le Bugatti

J’ai échangé plusieurs fois avec Baptiste entre le mercredi et le vendredi matin, jour du départ. Nous entrons dans une période anxiogène. La pandémie de la Covid 19 se répand. Les établissements scolaires vont renvoyer les élèves dans leurs familles. Des rumeurs de fermeture des cafés et des restaurants commencent à circuler. La tenue du premier tour des élections municipales le dimanche 15 mars suscite des interrogations.

Le jeudi midi, 12  mars, je déjeune avec Baptiste au Restaurant de son père, le Rad d’Alet à Saint-Malo. Un établissement où la cuisine est agréable et où l’accueil dispense la convivialité et la bonne humeur. Dominique, le papa de Baptiste, est lui-même un passionné de moto et le sigle de son établissement est positionné en bonne place sur la Yamaha R6 du pilote.

La Yamaha R6 développe 135 ch pour 184 kg. Le rapport poids/puissance de  la Yamaha R6 est de 1,362 kg/ch. Ce bolide est une bête de course sauvage, une machine de champion qui soumet son pilote à des contraintes physiques et mentales énormes. Pas étonnant que Baptiste se soumette à un entraînement physique intense et travaille sa préparation mentale pour en tirer le maximum. Quelques chiffres complémentaires pour illustrer le potentiel de la Yamaha. Le rapport poids/puissance  d’une Porsche GT3 RS s’établit à 2,8 kg/ch tandis qu’une Ferrari 488 GTE Evo engagée par AF Corse au Mans 2018 faisait elle-aussi beaucoup moins bien que la moto avec 2,461 kg/ch ! Avec la Yamaha R6, ça ne plaisante pas !

Après le déjeuner du jeudi, Baptiste va préparer la moto et l’intendance pour le départ du lendemain. Toujours soucieux de bien-être de ceux qui l’accompagnent, il a demandé à chacun si les ingrédients prévus dans la salade qu’il se propose aimablement de préparer pour le lendemain conviennent à tout le monde. Il charge la moto et le matériel nécessaire sur la remorque. En soirée, il m’appelle pour me prévenir que, réflexion faite, il préférerait partir à quatre heures et demie plutôt qu’à cinq heures comme initialement prévu afin d’avoir le temps de nous installer sans pression dans le parc fermé avant le briefing des pilotes et la première séance de roulage. Pas de problème en ce qui me concerne. Même si je ne suis pas connu comme un lève-tôt, la motivation me tirera du lit avant l’aube sans problème.

Baptiste-Felgerolles-avec-Samuel-Lambarré Entraînement-Le-Mans - 13-03-2020 - Photo-Thierry-Le-Bras

Baptiste-Felgerolles-avec-Samuel-Lambarré Entraînement-Le-Mans – 13-03-2020 – Photo-Thierry-Le-Bras

Je sors de chez moi à l’heure dite. Quelques secondes plus tard, je vois les phares de l’Alfa Romeo de Baptiste s’engager dans la rue. Samuel va conduire, comme pour aller à Lohéac. Prochaine halte, un parking de restaurant avant Rennes où nous retrouverons un autre ami.

Nous arrivons au circuit et nous nous installons dans le paddock sans encombre. Un lieu qui semble relativement calme aujourd’hui en comparaison des semaines de 24 Heures. Il y a d’autres pilotes avec leurs équipes, mais pas la foule des spectateurs  au moment de l’année que toutes les équipes d’endurance attendent. Mais un jour, bientôt, nous y serons avec Baptiste pour les 24 Heures moto. Il le mérite tellement que ça arrivera forcément, peut-être même plus vite que nous le croyons. Et ce jour-là, il réalisera le chemin parcouru à force de travail, d’efforts, d’abnégation et de passion. Nous sommes déjà tous fiers de lui. Et ce jour-là, il sera à son tour fier de nous faire plaisir et de prouver que nous avons eu raison de croire en lui et de faire confiance à son talent.

En attendant, il faut aligner les essais et les courses, progresser sans relâche, améliorer les automatismes, optimiser la confiance qui s’accroît au fil des kilomètres sur la piste. Plus un pilote roule, mieux il se sent sur sa moto, plus il fait tomber es chronos.

Baptiste a assisté au briefing. Sa moto est prête. Il a installé la caméra Go Pro avec Sam. Il va bientôt entrer en piste pour sa première série de tours. J’ai envie de faire des photos au niveau du raccordement, côté extérieur de la piste, en m’installant haut dans une tribune repérée lors d’essais d’éditions des 24 Heures du Mans et du Mans Classic. Seul souci, je me heurte à la grille qui ferme le tunnel sous-terrain permettant de changer de côté du circuit. Je reviens le plus vite possible au niveau des stands pour monter dans une des tribunes au-dessus. Baptiste tourne. Je fais quelques clichés. Nous sommes en pleine ligne droite, il faudra trouver d’autres points de vue plus tard.

Soudain, une lumière rouge clignote dans la voie des stands. Cela signifie qu’il s’est passé quelque chose sur la piste et que la séance est interrompue. Angoisse des sports mécaniques que connaissent tous ceux qui sont allés sur des épreuves avec des pilotes. Nous souhaitons évidemment tous que rien de grave ne soit arrivé. Mais notre première pensée va au pilote que nous suivons. Pourvu qu’il ne soit pas impliqué dans un accident, que rien ne lui soit arrivé. Je reste à ma place car si Baptiste n’a pas chuté, il va forcément emprunter l’allée des stands pour rejoindre le paddock. Ouf, il arrive. Je descends de la tribune pour rejoindre le paddock. Cruauté des sports mécaniques, j’espère qu’aucun pilote n’est blessé sur le circuit, mais je suis aussi soulagé que Baptiste aille bien. Ce n’est pas lui qui a connu un pépin. L’équipe se retrouve rapidement à notre base. Tout va bien sur la moto et pour son pilote. Nous allons boire un café et déguster une viennoiserie dans un établissement situé tout près de l’entrée du paddock. Puis nous faisons un tour dans les stands où Honda présente sa CBR 1000 RR. Elle a tapé dans l’œil de notre pilote qui a envie de monter en 1000 cm3 la saison prochaine et se verrait bien au guidon d’un de ces bolides. Ce sera une question de budget… D’autres modèles d’occasion seront peut-être plus faciles à financer, une Yamaha R1 par exemple. Baptiste sait qu’il faut se battre avec ses armes, et malheureusement, l’argent facile ne fait partie des siennes.

Baptiste-Felgerolles- Entraînement- 13-03-2020 - 39 - Bugatti - Photo-Thierry-Le-Bras

Baptiste-Felgerolles- Entraînement- 13-03-2020 – 39 – Bugatti – Photo-Thierry-Le-Bras

La séance de tours suivante sera également interrompue par un problème sur la piste. Des pépins qui raccourcissent le temps de roulage des pilotes qui ont payé un forfait pour pouvoir tourner. Enfin, la troisième séance du matin sera complète. Et les organisateurs de la journée prévoient d’ajouter une séance en fin d’après-midi afin de compenser le temps perdu à cause des sorties ayant contraint à abréger les premiers roulages.

L’heure du déjeuner arrive. Nous nous installons pour le pique-nique. Au menu, salade, baguette et gâteaux secs. Quelques moineaux insolents et culottés partageraient bien le pain avec nous. Pas question de leur faire le moindre mal. Nous nous contentons de déguster nos parts en leur donnant quelques miettes. Ainsi, tout le monde sera content. Baptiste est satisfait des tours où il n’a pas été gêné. Il se montre désolé d’apprendre qu’un des pilotes tombés le matin s’est blessé et a été transporté à l’hôpital. Après déjeuner, nous nous reposons un peu dans la voiture. Enfin, sauf lui qui préfère s’allonger près de sa moto.

En dehors du circuit, les nouvelles ne sont pas bonnes.  En consultant son smartphone, Samuel constate que le Grand-Prix F1 d’Australie a été annulé peu avant le début de la première séance d’essais libres. Les matchs de foot sont également suspendus et les championnats de la Ligue 1 et de la Ligue 2 s’arrêteront finalement à la date du 8 mars 2020.

— Si ça continue, nous allons tous être coincés chez nous et il n’y aura même plus de F1 ni de foot pour nous occuper, soupire Sam.

Je ne peux m’empêcher de redouter que les courses de motos soient également suspendues. Nous ne mesurons pas encore l’ampleur de la crise de la Covid 19 ni des mesures qui seront prises afin de l’endiguer. A part peut-être Baptise qui formule avec un pessimisme teinté d’humour cynique que si ça se trouve, dans deux mois, nous serons tous morts.

Baptiste-Felgerolles- Entraînement-Le-Mans - 13-03-2020 - 12 - Photo-Thierry-Le-Bras

Baptiste-Felgerolles- Entraînement-Le-Mans – 13-03-2020 – 12 – Photo-Thierry-Le-Bras

Les essais reprennent au début de l’après-midi. Nous nous concentrons à nouveau totalement sur la moto. Tout va bien pour Baptiste qui aligne les tours en confiance et réalise des vidéos avec sa Go Pro. Nous allons nous déplacer sur le circuit afin de varier les angles des photos. Je suggère à Samuel de nous approcher avec la voiture du virage de la Chapelle où je me rappelle avoir réalisé des photos sympas une année où Fabien Giroix s’était imposé aux 2 heures du Mans avec sa BMW M3. Mauvais plan car des travaux sur les routes de l’intérieur du circuit nous en interdisent l’accès. Nous changeons de plan et nous dirigeons vers un autre enchaînement accessible plus loin sur le tracé. Nous constatons que Baptiste progresse avec assurance. Il nous paraît à l’aise sur la moto. Ses trajectoires sont propres, l’attaque satisfaisante. Il faudra compter avec lui en 2020.

Le temps passe très vite. La dernière séance ajoutée par l’organisation arrive déjà. Seuls Baptiste et le pilote d’une 1000 cm3 y participeront. Les autres pilotes commencent à ranger leur matériel et se préparent à rentrer chez eux. Nous allons la suivre au-dessus des stands.

— Pourvu que la lumière rouge ne s’allume pas, s’inquiète Samuel. Avec le nombre de pilotes qu’il reste en piste, à une chance sur deux, ce serait pour Baptiste.

— C’est vrai, ai-je répondu. Les probabilités rendraient tout incident alarmant. Mais bon, Baptiste est doué, il a de l’expérience, tout va bien se passer, tu vas voir.

Baptiste-Felgerolles- Entraînement-Le-Mans - 13-03-2020 - 24 - Photo-Thierry-Le-Bras

Baptiste-Felgerolles- Entraînement-Le-Mans – 13-03-2020 – 24 – Photo-Thierry-Le-Bras

De fait, Baptiste se fait plaisir lors de ce dernier roulage du jour. Au terme des 20 minutes accordées aux pilotes encore en action, il entre dans la voie des stands et s’arrête en-dessous de nous avec les mains levées pour montrer sa satisfaction.

Nous nous retrouvons à notre base. Il est temps de remettre la moto sur la remorque, de ranger le matériel et de rentrer à Saint-Malo. Baptiste constate qu’il a reçu un SMS. Il le consulte.

— C’est la fédération, commente-t-il. Toutes les manifestations, courses ou essais sous son autorité, sont suspendus jusqu’à nouvel ordre. Autrement dit, on ne sait plus quand commenceront les championnats, combien de courses seront disputées ni à quelles dates.

J’apprendrai plus tard qu’un ami qui dispute le Championnat de France de la montagne et qui était lui-aussi en essais sur un circuit avec sa monoplace avait reçu un message à peu près identique de la FFSA à la même date. Nous entrions dans une période difficile mais nous ne savions pas encore tout ce qu’il allait se passer.

— Vous avez passé une bonne journée ? demanda Baptiste au moment où l’Alfa Romeo se dirigeait vers la sortie du circuit.

Un oui unanime répondit à l’interrogation. Suivi d’une autre approbation quand le pilote suggéra de prendre un pot chez son père avant de nous quitter en rentrant à Saint-Malo. Enfin, à part l’ami rennais qui décida sagement de rentrer chez lui plutôt que nous accompagner jusqu’à la Cité corsaire.

J’aime que les journées sur les pistes se terminent de manière conviviale. C’est important de le montrer aux personnes qui m’accompagnent.

Baptiste Felgerolles

La soirée se termina donc de façon agréable dans une ambiance amicale. Nous ignorions encore ce qui nous attendait, même si nous étions un peu préoccupés, notamment le père de notre ami qui voyait la probabilité de fermeture de son établissement et de ceux de ses confrères se profiler. Un coup dur pour tout chef d’entreprise. Dès le lendemain, les annonces allaient commencer à tomber. Des interventions du premier ministre alors en fonction le samedi 14 mars puis du président de la République le lundi 16 mars allaient changer nos vies à tous. Le samedi soir, le premier ministre annonçait la fermeture des CHR quasiment d’heure à heure. Les commerces non indispensables devraient également tenir leurs grilles fermées jusqu’à nouvel ordre. Puis les Français seraient confinés à partir du mardi 17 mars à midi. Il ne serait plus question d’entraînement ni de compétitions pendant plusieurs semaines. Il y aurait bien un monde d’avant et un mode d’après.

Retour en piste à Carole

Comment vis-tu le confinement ? demandai-je par téléphone à Baptiste quelques jours plus tard.

Oh, ça va, je fais beaucoup de sport chez moi. Évidemment, plus à la salle de sport qui est fermée. Et je ne peux plus courir beaucoup ni m’éloigner de chez moi. La course à pied me manque. L’an dernier, j’en ai été privé un moment à cause de mon accident. Cette année, c’est le confinement. Décidément, tout se ligue contre moi pour m’empêcher de courir. La première chose que je fais dès qu’on est déconfinés, c’est un long parcours en courant. Mais je trouve quand même des tas d’exercices à faire pour travailler la musculation et l’équilibre. Je ne vais pas perdre la forme, pas de soucis. Hâte aussi de remonter sur la moto.

Baptiste Felgerolles

Les vidéos postées sur sa page Baptiste Felgerolles Solidaires En Peloton https://www.facebook.com/felgerolles/  à cette période témoignent en effet de ses efforts avec les moyens du bord.

Le confinement a marqué une période d’arrêt dans tous les domaines, y compris les programmes sportifs. Les calendriers initiaux des coupes et championnats seraient bouleversés. Personne ne savait à quelle date les compétitions seraient à nouveau autorisées ni si les manches prévues pendant l’arrêt forcé seraient reportées à des dates ultérieures ou simplement annulées en 2020. L’incertitude de la période bloquait en outre tout contact avec de nouveaux partenaires potentiels. Comment convaincre des décisionnaires de s’impliquer dans un programme sportif à un moment où ils devaient se battre plus fort que jamais pour faire survivre leurs entreprises, sauver les emplois, se préparer à un monde d’après la crise sanitaire ? D’autant que l’atmosphère sinistre et génératrice de peur ne se prêtait pas à la joie et à l’aspect festif qui vont de pair avec le soutien d’un compétiteur. En outre, les programmes potentiels restaient flous dans l’attente des précisions sur les nouveaux calendriers et les mesures encadrant les événements rassemblant du public.

Enfin, le déconfinement arriva, en plusieurs phases. Les commerces non-essentiels obtinrent l’autorisation de rouvrir et nous pûmes retrouver une certaine liberté de mouvement. Le retour à une vie plus normale se mit en place. Les CHR purent à nouveau accueillir du public et nous retrouvâmes la liberté de circuler à plus de 100 kilomètres de nos domiciles. Peu à peu, les séances d’entraînement dans les sports purent reprendre dans des conditions strictement encadrées et les calendriers des fédérations se réorganisèrent.

Baptiste recommença à s’inscrire à des séances d’entraînement. D’abord, sur le circuit de Carole. Le jeudi 9 juillet, il m’appela peu avant le déjeuner. J’étais en déplacement chez un client dans le Finistère. Une mission chez des gens sympathiques avec qui j’entretiens des relations suffisamment détendues pour que je me permette de répondre à une communication, fût-elle personnelle  pendant une réunion.

— Je pars m’entraîner à Carole ce week-end, annonça Baptiste. Est-ce que ça te dirait de venir avec moi ?

— Je ne suis pas à Saint-Malo, répondis-je. Je rentre demain dans la journée. A priori oui, sachant que je ne suis pas mécano et que je ne pourrai pas t’aider comme un assistant du métier. Pendant les séances, je fais surtout des photos et les tâches simples que tu me demandes.

— Pas de problème, je sais très bien que ce n’est pas ton métier. Mais pour la mécanique pure, je me débrouille, j’ai été formé pour ça. Et ce sera un week-end sympa. Ça te donnera l’occasion de connaître le circuit de Carole. Si tu es OK, on part demain dans la soirée. Je m’occupe de réserver l’hôtel. Je t’appelle demain pour caler l’heure exacte du départ. Ça marche.

Un week-end sur un circuit, c’est toujours une perspective qui me réjouit. De retour à Saint-Malo en début d’après-midi le vendredi 10 juillet, je me prépare à repartir pour Carole dans la soirée. Mon sac de voyage est vite prêt et mes appareils photo n’attendent que d’immortaliser des instants de l’atmosphère et de l’action. Je pourrai relayer Baptiste au volant de l’Alfa Romeo s’il le souhaite. La remorque qu’il utilise ne nécessite pas le permis E, un permis que je n’ai pas mis à jour depuis que j’ai arrêté la compétition et que je n’ai plus à tracter un plateau.

Baptiste-Felgerolles- Départ-entraînement- Carole -11-07-2020 - Saint-Malo - Photo-Thierry-Le-Bras

Baptiste-Felgerolles- Départ-entraînement- Carole -10-07-2020 – Saint-Malo – Photo-Thierry-Le-Bras

Baptiste passe me prendre vers 18 heures. Il reste à récupérer quelque chose chez lui, à remplir les jerrycans d’essence pour la Yamaha R6 et nous prendrons la direction de Carole (tout près de Paris dans le département 93) par l’autoroute de Normandie. Il fait beau. Nous sommes au début de l’été. La circulation est dense dans le sens Paris – province car c’est un week-end de grands départs mais fluide dans notre sens. Peu de Bretons et de Normands partent passer le week-end dans la capitale. Tant mieux, nous ne sommes pas ralentis. Nous nous arrêterons dîner du côté de Caen, dans un établissement situé sur une aire de repos. Nous ne sommes pas en voyage de dégustation gastronomique et nous n’avons pas le temps de sortir de l’autoroute pour chercher un restaurant recommandé. Baptiste est ennuyé de ne pas voir son attelage de notre table au restaurant. Il se déplacera plusieurs fois à la porte au cours du repas afin de vérifier que personne ne rode autour de la remorque avec des intentions louches. Et je le sentirai soulagé lorsqu’avant de partir, il constatera que rien n’a été volé dans la remorque.

Nous arriverons trop tard pour déposer la remorque sur le circuit dont les grilles d’accès fermaient à 20 heures. Il faudra donc nous résoudre à l’amener sur le parking de l’hôtel, en espérant qu’il soit sécurisé. Ce sera le cas. Il est clos et le veilleur de nuit nous confirme que des caméras de surveillance sont installées, ce qui écarte les risques de malveillance et de vol.

Nous programmons le réveil à 7 heures le samedi matin, ce qui nous laissera le temps d’arriver tranquillement au circuit puis de nous installer sans être à la bourre.

Anecdote en arrivant sur le circuit. Baptiste présente les documents nécessaires à sa participation à la journée. Sa réservation a été validée et sa licence est à jour. Avant de nous indiquer la place où nous pourrons nous garer dans le paddock, la dame qui vérifie les documents administratifs demande en me regardant si je suis en règle aussi pour rouler. J’ai roulé en essais et en course, sur quatre roues, mais ça, c’était avant, comme dit la pub. Elle comprend que je ne suis que l’accompagnateur auquel a droit chaque pilote et nous laisse avancer. Non, je ne roule plus en course. Si je reprends une licence un jour, ce sera juste pour des compétitions historiques sur quatre roues. Je suis trop vieux pour faire équipe avec Baptiste et des pilotes performants au Bol d’Or et je ne rajeunis pas au point de rassembler à Quartararo.

Baptiste a déjà tourné ici à deux reprises depuis le déconfinement. Il s’est fait plaisir mais reste conscient qu’il faut encore travailler avant  la première course. D’autant qu’il a chuté lors de sa dernière venue sur le circuit. Il explique pourquoi.

En 2018 et 2019, je roulais en Promosport avec la Yamaha R6. Le règlement de ce championnat impose de rouler avec des pneus Pirelli. Donc j’ai toujours roulé en Pirelli avec la moto, que ce soit en entraînement, lors des coachings, en essais ou en course. Au Bugatti en mars, j’avais encore des Pirelli qu’il me restait. Le Championnat Werc auquel je compte participer cette saison se dispute avec des Dunlop. J’ai découvert ces pneus il y a quelques jours, lors de mes précédentes venues à Carole. La moto se comporte très différemment avec les Dunlop. Il faut que je travaille pour m’y adapter et exploiter pleinement la R6 avec cette monte. C’est pour ça que j’ai chuté la dernière fois. Je ne connais pas assez les réactions de la moto en Dunlop. Mon casque a été endommagé et j’ai été obligé d’en acheter un autre. J’utilisais une combinaison un peu ancienne mais dans laquelle je me sentais très à l’aise. Je ne la mettrai plus car elle a été trop abimée. Moi, j’ai été sonné. Rien de grave, rien de cassé, juste quelques courbatures le lendemain matin. Aujourd’hui, ça va aller. Et je suis tes conseils et ceux de mon père. Plus ça va, plus je roule avec ma tête.

Baptiste Felgerolles

J’ai assisté au briefing des pilotes avec Baptiste et nous avons profité du petit déjeuner mis à disposition par les organisateurs. Baptiste m’a indiqué les endroits intéressants pour les photos sur le circuit. J’ai repéré où je m’installerai au fil des passages en fonction de la position du soleil.

Baptiste se prépare pour ses premières 20 minutes en piste. Là, mauvaise surprise et angoisse. Du liquide de frein coule au niveau des poignées. Pourtant, le pilote a changé des joints la veille avant de partir. Carole est un circuit exigeant au niveau freinage. Pas question de tourner avant que le problème soit résolu. Il faut démonter, contrôler les joints, comprendre ce qui se passe, remonter et vérifier que le liquide ne coule plus. Baptiste ne s’énerve pas. Il s’attelle minutieusement à la tâche. Les minutes passent. J’évite de parler afin de ne pas troubler sa concentration. Voilà, tout est remonté. Mais le problème n’est pas résolu. Le liquide coule à nouveau.

Baptiste-Felgerolles- Réparation-Carole - 11-07-2020 - Photo-Thierry-Le-Bras

Baptiste-Felgerolles- Réparation-Carole – 11-07-2020 – Photo-Thierry-Le-Bras

Re-démontage. Et décision de changer les joints qui doivent présenter un défaut. C’est la seule explication possible. Une séance de roulage est prête à partir. Baptiste n’y participera pas. Tant pis, il en reste plusieurs autres dans la journée. Avant toute chose, il faut chercher des joints neufs, essayer de se dépanner en recourant à l’aide d’une équipe qui en aurait sur le circuit ou, à défaut, aller à un magasin de motos. Baptiste précise qu’il y en a un à dix minutes et que ce n’est pas trop grave s’il faut sortir du circuit. Coup de chance, le pilote, qui est apprécié dans le paddock, rencontre des copains qui peuvent le dépanner. Il comprend tout de suite ce qu’il s’est passé. Les joints de Yamaha R6 qu’on lui tend ne sont pas tout à fait identiques aux siens au niveau dimension. La différence est infime mais suffisante pour causer un incident sur la mécanique de précision qu’est une moto de course. L’erreur vient sans doute du vendeur qui aura donné une référence légèrement différente de ce dont le pilote avait besoin. Une erreur compréhensible tant les joints se ressemblent, étant précisé que ceux de dimension imparfaite s’installent sans difficulté même si après, ils ne remplissent pas correctement leur office.

Baptiste remonte les bons joints. Cette fois, le liquide ne coule plus. La moto attend de prendre la piste, couvertures chauffantes installées sur les pneus. Une précaution importante. Les pneumatiques sont conçus pour offrir une bonne adhérence à une certaines température. Froids, ils n’adhèrent pas parfaitement à la piste et le pilote se met en danger. Baptiste s’équipe. Pas le temps de s’occuper de la Go Pro ce matin. La prochaine séance part dans quelques minutes. Il me demande de rester au bord de l’allée d’accélération et de décélération.

— Je vais faire un ou deux tours pour voir si la fuite est bien résolue et je repasse dans l’allée. Si je te fais signe OK, c’est que tout va bien et tu peux t’installer au meilleur endroit pour les photos. Si ça fuit toujours, je rentre et on verra ce que je peux faire.

Ces deux premiers tours semblent plus longs qu’ils devraient. Non au niveau du chrono mais de l’inquiétude. Voilà Baptiste, pouce levé. Il ré-accélère. Tout va bien. Rassuré, je file me positionner à un des enchaînements repérés plus tôt.

Baptiste-Felgerolles- Entraînement-Carole - 11-07-2020 - Photo-Thierry-Le-Bras

Baptiste-Felgerolles- Entraînement-Carole – 11-07-2020 – Photo-Thierry-Le-Bras

Baptiste roule fort. Ses trajectoires sont belles, ses freinages appuyés et il prend des angles qui montrent qu’il n’est pas là pour s’amuser mais pour chercher la limite. La fin de la séance arrive très vite. Il va rentrer au paddock. Le temps que je le rejoigne, il a déjà enlevé sa combinaison et s’est assis près de sa moto. Il ne me paraît pas satisfait.

Je ne suis pas très content, confirme-t-il. La moto ne se comporte pas comme je voudrais. Ça va pas. Je pourrais faire mieux.

— Du bord de la piste, ça ne se voit pas, je t’assure. Et c’est normal que tu ne te sentes pas dans les meilleures conditions avec les angoisses de ce matin avec les freins. Ne t’inquiète pas, n’en fais pas trop et continue à rouler avec ta tête. L’important, ce n’est pas aujourd’hui, c’est que tu sois prêt pour la première course.

Nous allons chercher de quoi nous restaurer au food-truck installé sur le circuit et déjeunons rapidement. De toute façon, nous n’avons pas très faim. La chaleur n’ouvrirait pas l’appétit à une terrine de campagne suivie d’un bœuf bourguignon ou d’une blanquette. Pour ma part, les clients chez qui je travaillais plus tôt dans la semaine m’ont si bien accueilli qu’un petit régime pendant le week-end ne me fera pas de mal. Quant à Baptiste, il sait très bien qu’un pilote qui roule n’a pas intérêt à trop manger avant de reprendre le guidon.

Baptiste-Felgerolles- Roulage-Carole - 11-07-2020 - Photo-Thierry-Le-Bras

Baptiste-Felgerolles- Roulage-Carole – 11-07-2020 – Photo-Thierry-Le-Bras

La journée sera globalement positive. Un pilote apprend toujours pendant une séance de roulage. Surtout quand, comme Baptiste, il sait analyser ce qu’il se passe avec sa machine. Le visionnage a posteriori des photos montre que Baptiste a bien piloté.

Nous rentrerons le samedi soir. Le trajet s’effectue dans la bonne humeur. Cette fois, nous sommes dans le mauvais sens, dans la circulation. Nous plaisantons sur le fait qu’il va y avoir du monde en Bretagne et que c’est de bon augure pour le commerce, surtout après la période du confinement.

Nous abordons aussi la suite de la saison. Une idée commence à poindre dans l’esprit de Baptiste. Le nouveau Championnat de Ligue IDF va se courir avec des pneus Pirelli. Il semble intéressant. Il reste peu de temps avant que la saison commence. Elle sera courte du fait de la crise sanitaire qui l’a retardée. S’inscrire à ce championnat serait peut-être une bonne idée, d’autant que les épreuves seront concentrées et qu’aucun déplacement de l’autre côté de la France ne serait à prévoir.

L’idée me paraît tentante. Il faudra la creuser. Je serai ravi d’apprendre quelques jours plus tard que Baptiste concrétise son inscription à ce championnat organisé par Motorevents. La meilleure solution pour cette drôle d’année 2020.

Baptiste Felgerolles prêt à en découdre dans le Championnat de Ligue IDF

Le pilote malouin a participé ces dernières semaines à trois séances d’entraînement sur des circuits différents avec sa Yamaha R6 à nouveau chaussée de Pirelli. Plus de temps à perdre à apprendre d’autres pneus.

Il a enthousiasmé les spectateurs et retrouvé d’entrée toute sa confiance ainsi que son envie d’attaquer sans retenue.

Baptiste-Felgerolles -24-08-2020 - Circuit-Les-Écuyers Beuvardes - Photo-Piste-Libre

Baptiste-Felgerolles -24-08-2020 – Circuit-Les-Écuyers Beuvardes – Photo-Piste-Libre

Il est parti dans de meilleures conditions qu’à Carole en juillet, disposant d’un camion prêté et d’un assistant de haut niveau, Aymeric, capable,  de prendre en charge l’optimisation de la moto sur le circuit. Baptiste vole de virage en virage avec la Yamaha R6 équipée de Pirelli.

Après avoir roulé à Fontenay Le Comte et aux Écuyers Beuvardes, une piste vallonnée en région parisienne qu’il découvrait et où des pilotes de puissantes 1000 cm3 n’arrivaient pas à le suivre, il est revenu confirmer ses impressions positives à Carole. Défi réussi. Prochain rendez-vous avec ce circuit les 5 et 6 septembre 2020 pour la première manche du Championnat de Ligue IDF.

Baptiste-Felgerolles - 30-08-2020 - Photo- Aymeric-Doucet

Baptiste-Felgerolles – 30-08-2020 – Photo- Aymeric-Doucet

Pour ma part, je suis prêt à parier que la magnifique Yamaha R6 aux couleurs Arsep Solidaires en Peloton de Baptiste Felgerolles qui fut en 2015 lauréat du Prix de l’espérance de la Fondation Marcel Bleustein-Blanchet pour la Vocation va briller cette saison ! Nous vous en reparlerons bientôt.

QUELQUES LIENS

Baptiste Felgerolles, retour sur ses débuts en compétition http://circuitmortel.com/2017/11/trajectoire-dun-pilote-moto-breton-baptiste-felgerolles/ 

DESIGNMOTEUR, le site où la passion Auto Moto met le turbo http://www.designmoteur.com/

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Baptiste Felgerolles, un pilote moto qui sait communiquer en racontant son histoire et qui retient l’attention des médias http://circuitmortel.com/?p=3724 

Depuis  Antony sur Mors en 1899 à Baptiste Felgerolles sur Yamaha R6 aujourd’hui, Saint-Malo est une terre de pilotes !  https://bit.ly/2ru3dMw

Thierry Le Bras


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